Focus

Lettre d’Actualité / Mai 2020

Newsletter - Mai 2020

1. DROIT PÉNAL DES AFFAIRES

Compétence du PNF en matière de blanchiment : le procureur de la République financier est compétent pour la poursuite du délit de blanchiment d’infractions primaires (visées à l’article 705 du CPP) revêtant un caractère complexe – crim., 1er avril 2020, n° 19-80.875

La poursuite du délit de blanchiment, « infraction générale, distincte et autonome, n’imposent ni que l’infraction ayant permis d’obtenir les sommes blanchies ait eu lieu sur le territoire national, ni que les juridictions françaises soient compétentes pour la poursuivre ».

La Haute juridiction juge qu’en application du 6° de l’article 705 du Code de procédure pénale, le procureur de la République financier est compétent « pour la poursuite du délit de blanchiment des infractions citées, notamment, aux 1° à 5° du même article, parmi lesquelles figure celle de détournement de biens publics prévue par l’article 432-15 du Code pénal, lorsque les faits revêtent un caractère de complexité ».

Cette complexité est notamment caractérisée, comme en l’espèce, par (i) la dimension internationale des faits, (ii) la présence de multiples sociétés écrans dans plusieurs pays considérés comme des paradis fiscaux et (iii) des circuits de blanchiment complexes.

Circulation routière : l’infraction de non désignation du conducteur n’est pas applicable aux entrepreneurs individuels – crim., 21 avril 2020, n° 19-86.467

La Cour de cassation confirme le jugement d’un Tribunal de police qui a jugé que l’infraction de non-transmission de l’identité et de l’adresse du conducteur par le responsable légal de la personne détenant le véhicule ne peut pas être constituée contre un entrepreneur individuel dès lors que son entreprise, bien que disposant d’un numéro SIRET, n’est pas une personne morale.

 

2. PROCÉDURE PÉNALE

Prescription du délit de dénonciation calomnieuse : la prescription de l’action publique du délit de dénonciation calomnieuse, qui commence à courir à compter du jour de la plainte avec constitution de partie civile, est suspendue tant que la procédure se poursuit sur les seuls intérêts civils, jusqu’à la décision définitive – crim., 21 avril 2020, n° 19-81.089

La Cour de cassation déduit de l’article 497 du Code de procédure pénale « que le dommage dont la partie civile, seule appelante d’un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ».

La Haute juridiction en tire pour conséquence que lorsqu’une relaxe du chef de dénonciation calomnieuse a été prononcée « par un jugement dont seule la partie civile a relevé appel, la prescription de l’action publique du chef de dénonciation calomnieuse reste suspendue tant que la procédure se poursuit sur les intérêts civils ».

Entraide internationale : incompétence du juge français pour ordonner la mainlevée d’une saisie pénale ordonnée par un juge étranger – crim., 1er avril 2020, n°19-81.760

La Cour de cassation souligne dans cet arrêt l’autonomie du droit des saisies spéciales à l’égard des procédures d’exécution des décisions de gel de biens prises par les autorités étrangères telles qu’organisées par les articles 695-9-1 et suivants du Code de procédure pénale.

Ainsi, le juge français exécutant une ordonnance étrangère de saisie ne peut en ordonner la mainlevée totale ou partielle, sauf, en vertu des dispositions de l’article 695-9-30 du Code de procédure pénale, après avoir permis à l’autorité étrangère de se prononcer sur la demande.

En l’espèce, si le juge d’instruction a sollicité les autorités étrangères, celles-ci sont demeurées taisantes, de sorte qu’il ne pouvait se prononcer sur la demande de mainlevée.

Saisie pénale : le délai de 10 jours pour valider la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte de dépôt commence à courir à compter de la date de notification de la décision de saisie à l’établissement teneur de compte, et non à compter de la date à laquelle la somme a été consignée auprès de l’AGRASC – crim., 1er avril 2020, n°19-85.770

L’article 706-154 du Code de procédure pénale permet au procureur de la République ou au juge d’instruction d’autoriser l’officier de police judiciaire à procéder à la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité à tenir des comptes de dépôts.

Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge d’instruction, est tenu de se prononcer par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de la date de la notification de la décision de saisie par l’officier de police judiciaire à l’établissement tenant le compte objet de la mesure, l’autorisation donnée cessant de produire effet à l’expiration de ce délai.

La Cour de cassation énonce en l’espèce que la date de la notification de la décision de saisie par l’officier de police judiciaire à l’établissement tenant le compte objet de la mesure, qui entraîne l’indisponibilité immédiate de la somme d’argent versée sur le compte, constitue le point de départ du délai de dix jours prévu par l’article 706-154 du code de procédure pénale, peu important la date à laquelle la somme a été consignée auprès de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

 

3. CONTENTIEUX RÉGLEMENTAIRE

AMF : offre publique d’achat simplifiée – déclarations inexactes et tardives des acquéreurs dans le cadre de l’opération – Commission des sanctions, Décision n°3 du 17 avril 2020

La Commission des sanctions a rappelé qu’en vertu des dispositions énoncées à l’article L. 233-9 du Code de commerce, tout investisseur est tenu de déclarer un instrument financier ayant un effet économique similaire à la possession des actions. En l’espèce, la Commission des sanctions a retenu que les conditions opaques d’utilisation des instruments CFD, la stratégie suivie par l’investisseur et les modalités de débouclage constituait des indices suffisants pour caractériser lesdits instruments à dénouement en espèces comme des equity swaps. De fait, les mises en cause avaient produit des déclarations inexactes quant à la nature des instruments financiers acquis dans le cadre de cet investissement.

Par ailleurs, l’analyse de l’évolution de la position actionnariale d’un investisseur minoritaire mais dont la position s’accroit de manière significative et rapide doit l’inciter à déclarer, comme il en est tenu, son intention ou non d’apporter les titres à l’offre dans les plus brefs délais, à défaut d’être constitutif une déclaration considérée tardive par la Commission des sanctions.

Enfin, les dispositions édictées à l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier interdit toute entrave à l’enquête menée par les représentants de l’AMF. Tout comportement visant à retarder – en l’espèce, de près de deux années – délibérément la remise d’éléments nécessaires à l’enquête est constitutif du délit d’entrave précité.

 

4.  CONTENTIEUX CIVIL ET COMMERCIAL

Banque : manquement du banquier à son devoir d’information annuelle de la caution – CA Nîmes, 4ème com., 23 avril 2020, n° 18/02667

La Cour d’appel de Nîmes rappelle l’obligation stricte, en vertu de l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier, selon laquelle tout établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique ou morale se doit de l’informer annuellement de sa position.

 

5. DROIT DE LA PRESSE ET DES MÉDIAS

Liberté de la presse : qualifier un parti d’« extrême droite » relève de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la CESDH, dès lors qu’aucune circonstance ne rattache l’emploi de ce terme à un jugement de valeur – CEDH 28 avril 2020, ATV ZRT c. Hongrie, req. n° 61178/14

Définitivement condamné en Hongrie pour avoir qualifié un parti politique d’extrême droite, un journal indépendant a saisi la CEDH en se fondant sur l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde pour faire reconnaître une atteinte à sa liberté d’expression.

Le requérant soutenait notamment que le terme « extrême droite » n’était pas le reflet de son opinion puisque son rattachement au profit du parti en question était accepté en Hongrie.

Atteinte à l’intimité de la vie privée : l’enregistrement de la parole ou de l’image d’une personne placée en garde à vue est susceptible de constituer une atteinte à l’intimité de sa vie privée ; une personne faisant l’objet d’une garde à vue n’est pas en mesure de s’opposer à cet enregistrement – crim., 21 avril 2020, n° 19-81.507

La Cour de cassation censure un arrêt de la Chambre de l’instruction ayant jugé que les images et paroles enregistrées dans le cadre d’un reportage télévisé d’une personne placée en garde à vue ne relèvent pas de l’intimité de la vie privée au sens de l’article 226-1 du Code pénal.

En outre, la Haute juridiction considère qu’une personne placée en garde à vue n’est pas en mesure de s’opposer à un tel enregistrement.


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